Zona Frigida de Anne Birkefeldt Radge

11 Novembre 2013 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Anne Birkefeldt Radge, Zona Frigida

Le Spitzberg est inhabitable : dans ce pays situé dans la zone froide du monde, appelé Zona frigida, le climat est si rude que les animaux sont devenus tout blancs.

Béa, se son vrai nom Britta s’apprête à réaliser un projet qui lui tourne dans la tête depuis vingt ans. Elle achète un billet Trondheim-Longyearbyen aller et retour pour un périple en bateau autour de l’archipel du Svalbard, à mi chemin entre les pays scandinaves et le pôle Nord.

C’est une dessinatrice de talent qui travaille souvent plus dur que ceux qui ont des horaires fixes. Mais elle est victime de la convention sociale qui veut que la journée de travail commence avant 9 heures. Ça l’énerve prodigieusement.

Béa fait toujours le même vieux rêve monstrueux que seul l’alcool peut étouffer.

C’est une drôle de fille ; une de ses grandes passions : les œufs de Fabergé et sa perruche jaune nommée Andersen. Toute sa vie elle s’est toujours efforcée de rester fidèle à l’individualisme, fuyant tout ce qui ressemble à une forme d’appartenance à un clan ou à une coterie. Elle fait exception aujourd’hui avec ce voyage organisé.

Ils sont vingt sur le Ewa : Philippe, Georg le pilote, Sigmund le capitaine, Dana qui tient une agence de mannequins, Per et Pia les guides, Oscar un soi-disant psychologue, Lena et Stian les cuistots, Ola et Bjorn les mécaniciens, Sonja la femme de chambre, Turid et son prétendu fils Frikk, Izu, Sao et Nuno les Japonais…

Des liens se nouent.

La dame avec de grosses loupes demande à Béa :

— C’est votre vraie couleur de cheveux ce brun foncé ?

— Oui, absolument répond-elle.

Béa se souvient de Fritjof, le mari de la dame. Béa se souvient de ce qu’elle a enduré. Son obsession : savoir où cette femme se trouvait, contrôler son emploi du temps, la suivre partout, la faire payer…

Avec Anne Birkefeldt Radge comme guide, je fais un vrai voyage au pays du froid : le Kongsfjord, avec le glacier Kongsbreen, le pic de Grimardi qui culmine à huit cent mètres, le port de Virgo, la presqu’île de Mossel, le Wildefjord, les sommets de Grahuken et de Velkomstpynten, plein nord le 80°N, l’archipel des Sjuoyane puis l’île de Phippsoya..

Le Ewa jette l’ancre, coupe les moteurs, les passagers admirent les morses sur la banquise. Les braconniers Georg et Ola vont chasser le phoque tandis que Béa admire les fulmars boréals ou amis des marins, les macareux moines, les sternes arctiques, les pingouins tordas, les bruants des neiges.

Frikk tombe amoureux de Sonja ; folle de jalousie Turid attaque, Béa la désarçonne et dans sa chute, Turid meurt.

Georg coupe la tête d’un ours mort de faim pour vendre ses dents à une chouette (entendez par là une femme) d’Oslo thérapeute et astrologue qui pratique des thérapies alternatives.

Le voyage continue avec le cadavre de Turid dans les soutes ; direction Storoya « la grande île », le cap Mohn, le détroit d’Hinlopen, la baie de Vibe, le cap Fanshawe, puis le Murchinsonfjord.

Dans la nuit, Béa surprend des mouvements inédits, découvre le pot aux roses, ou plutôt la cachette aux ours : 9 peaux dans les soutes du bateau pour des acheteurs allemands trop bavards. Le téléphone arabe fait le reste, Oscar le faux psychologue dénonce l’équipage des Norvégiens tueurs de baleines, de phoques et d’ours. Béa la justicière sauve la peau de son amant, sans toutefois lui pardonner ses actes. Quand à Andersen, la perruche jaune, elle refuse de s’envoler, de reprendre sa liberté.

J’aime toujours autant Anne Birkefeldt Radge : son style, sa manière de suggérer sans jamais dévoiler la vérité, ses personnages attachants et sa Norvège.