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Poète et Paysan de Jean-Louis Fournier

8 Novembre 2013 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Jean-Louis Fournier, Poète et Paysan

Étudiant à Paris, il prépare l’entrée de l’Institut des Hautes Études Cinématographiques quand il se retrouve tout à coup dans une grande exploitation, un fourchet à la main, ouvrier agricole chez son futur beau-père, à Monchy dans le Pas-de-Calais. La ferme produit des betteraves et du blé. Le blé demande du soleil, la betterave demande de la pluie. C’est pratique, ça permet au cultivateur, quel que soit le temps, de pouvoir se plaindre du temps.

Il s’imagine gai laboureur derrière le cheval. Mais le cheval a été mis au chômage. Le gai laboureur a perdu sa gaîté et respire les gaz d’échappement de son tracteur. Il pense à tous les pains, les baguettes, les flûtes, les bâtards, les pains de campagne, les pains complets, les pains aux céréales, les pains de mie, le petits pains au lait, les croissants blonds, les brioches dodues, les pains au chocolat, les chaussons chauds que les gris boulangers vont pouvoir faire avec son blé.

Sa mère apporte la bague de fiançailles, très belle malgré ses moyens limités.

La fiancée continue ses études à Paris, ne revient que le week-end pour dire : Quand je sens le fumier je pense à toi…

Il regarde la basse cour, à l’impression d’être à l’Opéra : les coqs sont ténors et les poules sopranos. Comme dans Beaumarchais, les coqs tiennent les premiers rôles et passent leur temps à poursuivre les poules.

Chaque fois qu’il ouvre le Manon Lescaut de l’abbé Prévost, il entend Puccini et souffre comme une bête.

La fiancée commence à se poser des questions sur la santé mentale de son amoureux, en effet un étudiant metteur en scène qui se transforme en ouvrier agricole doit avoir l’esprit un peu dérangé. Est ce que Chateaubriand ramassait des betteraves, Est-ce que Lamartine en redingote charriait du fumier ?

L’hiver les canards font du patinage artistique sur la mare gelée en dansant le Lac des Cygnes.

Le père de la fiancée est taiseux. Il regarde son futur gendre, pense à ces intellectuels barbus qui élèvent des chèvres et en font des fromages immangeables, à ces marginaux qui engraissent des canards et vendent des bocaux de confits avec autant de mouches que de canard à ces chiens élevés au régime macrobiotique sans viande qu’on retrouve tués par l’éleveur de faisans qui en a marre des razzias de volatiles…

La fiancée en a marre.

Il fait son retour à Paris, son curriculum vitae désert comme la Beauce après les moissons. Pour se consoler il prend un papier et un crayon, sépare les mots justes des mots faux. Il met les faux au soleil pour les dessécher, comme on fait avec les mauvaises herbes une fois qu’on les a déterrées et qu’on les laisse crever les racines à l’air. Puis il va se consoler chez sa maman, prends du Beethoven quand il se sent affaibli et du Mozart toute la journée, en toute occasion.

Retrouvant sa fiancée, il se demande s’il a vraiment une tête de mari. Un mari est un type profond, sur lequel on peut s’appuyer, quelqu’un de fiable, de responsable, qui a une trousse à outils, qui arrange les fuites et les idées noires. Le jour de son mariage, il a l’impression de faire de la figuration dans une noce villageoise d’un téléfilm de terroir. Ils ont beaucoup de cadeaux, beaucoup de pelles à tarte mais pas de pelle à fumier.

Ce Poète et Paysan cache une grande sensibilité derrière des phrases simples, quasi enfantines parfois. Il se lit très vite et très bien. Bravo à Jean-Louis Fournier.

Jean-Louis Fournier, Poète et Paysan

Jean-Louis Fournier, Poète et Paysan

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D
Nicole <br /> Parfait ton commentaire <br /> Bien sur moi aussi j'ai aimé ce livre <br /> Bisous <br /> Dominique
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