Où on va papa ? de Jean-Louis Fournier

22 Novembre 2013 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Jean-Louis Fournier, Où on va papa ?

Thomas et Mathieu sont handicapés.

Thomas répète comme il fait toujours :

— Où on va papa ?

À la première personne, Jean-Louis Fournier raconte son quotidien. Un père d’enfant handicapé doit avoir une tête d’enterrement. Il doit porter sa croix, avec un masque de douleur. Il n’a plus le droit de rire, ce serait du plus parfait mauvais goût. Quand il a deux enfants handicapés, c’est multiplié par deux, il doit avoir l’air deux fois plus malheureux.

Thomas et Mathieu ne pourront jamais lire. Ils ne sauront jamais que toutes ces petites pattes de mouche qui couvrent les pages des livres nous racontent des histoires et ont le pouvoir de nous transporter ailleurs.

Thomas et Mathieu portent des corsets orthopédiques avec du métal chromé et du cuir. Ils sont bossus. Ils sont comme les petits vieux qui ont passé leur vie à ramasser des betteraves dans les champs. Quand on les prend dans les bras, on a l’impression de tenir un robot, une poupée en fer. Ils sont voûtés. Ils ne voient que leurs pieds. Le père imagine fixer sur le bout de leurs chaussures des petits miroirs qui leur refléteraient le ciel.

Ils ne connaîtront jamais la chair de poule que donne un adagio de Mozart, l’énergie qu’apportent les rugissements de Beethoven et les ruades de Liszt, Wagner qui vous donne envie d’aller envahir la Pologne, les danses fortifiantes de Bach et les larmes tièdes que fait couler le chant de Schubert.

Ses deux garçons sont innocents. Ce sont des petits lutins. Ils sont d’avant le péché originel, du temps où tout le monde était bon, la nature bienveillante, tous les champignons comestibles et où on pouvait caresser les tigres sans danger.

Après il y a eu Marie, elle était normale, très jolie. C’était normal, on avait fait deux brouillons avant…

Marie raconte à ses camarades de classe qu’elle a deux frères handicapés. Ils ne veulent pas la croire. Ils disent que ce n’est pas vrai, qu’elle se vante…

Jean-Louis Fournier parle d’un sujet sensible avec humour.

Les entreprises qui embauchent les handicapés ont droit à des avantages fiscaux et des abattements de charge. De jeunes débiles légers sont embauchés pour le service dans un restaurant. Ils sont touchants, ils vous servent avec une bonne volonté infinie, mais attention, évitez les plats en sauce, ou alors mettez un ciré.

Pour attendrir les passants, les mendiants exhibent leur misère, leur pied bot, leurs moignons, leur vieux chien, leur chat mité, leurs enfants. Je pourrais faire comme eux. J’ai deux bons appelants pour émouvoir.

Il a une carte d’invalidité délivrée par le commissaire de la République de Paris. Il la met sur son pare-brise quand il est mal garé. Grâce à ses enfants handicapés, il évite la contravention.

Après la mort de Mathieu, Thomas végète dans une unité de douze pensionnaires. Il n’a pas d’âge. Il est indatable.

Les enfants de Fournier ne ressemblent à personne. Lui qui voulait toujours ne pas faire comme les autres, il devrait être content.

Ce roman autobiographique, couronné par le prix Femina en 2008, est poignant. Le cynisme de Fournier n’est qu’une parade pour combattre sa souffrance. Où on va papa ? a suscité bien des polémiques. Ce sujet tabou choque les âmes bien pensantes qui portent des œillères pour ne voir que le beau.

Comme dit Pierre Desproges, l’ami de Jean-Louis Fournier : On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.

Où on va papa ? Photo : Jean-Marc Pellet

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Il a jamais tué personne, mon papa / de Jean-Louis Fournier

Fournier exprime sa peine, toujours à la première personne, toujours avec humour

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Nadine Pocachard

07/03/2014 14:48

J'ai beaucoup aimé ce livre, mais il m'a interpellée.....Ayant eu un enfant handicapé, aurai-je eu le courage ou l'insouciance de mettre au monde un deuxième enfant....??? Jean Louis et son épouse ont osé...le sort s'est acharné sur eux....ils ont eu le courage et l'amour de parents pour se consacrer à leurs deux enfants....peu importe le regard des autres, ils ont avancé et donné du bonheur à leurs deux mômes....une petite sœur, est venu combler cette famille, mais quelle charge émotionnelle pour elle aussi - Une très belle leçon de vie nous ai offerte en lisant ce très beau livre....

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