Une si longue lettre de Mariama Bâ

16 Janvier 2014 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Mariama Bâ, Une si longue lettre

Cette longue lettre est un épanchement, un retour sur le passé, le témoignage d’une femme qui souffre, choisi la solitude, la résignation et mesure la minceur de la liberté accordée à la femme. « La confidence noie la douleur » dit Ramatoulaye, la narratrice institutrice, en lutte pour la régression de l’ignorance. Pourtant, « La douleur, même ancienne, fait les mêmes lacérations dans l’individu ».

Elle se souvient de la corniche dakaroise, l’une des plus belles de l’Afrique de l’Ouest, de la plage de Ngor ou de vieux pêcheurs barbus raccommodaient les filets sous les bentenniers, les fromagers en wolof, des pique-niques à Sangalkam par la route de Rufisque.

Ramatoulaye a épousé Modou Fall, un organisateur syndical, avec qui elle a eu 12 enfants. Puis Modou abandonne Ramatoulaye et épouse Binetou, la copine de sa fille Daba : une gamine.

Modou prend en charge non seulement Binetou et sa famille, mais aussi sa propre mère qui avale les bouchées doubles au râtelier. Pour se consoler, Ramatoulaye se dit que si Modou était du lait, c’est elle qui aurait eu toute la crème…

Modou entretien une jeunesse déclinante, combat son double menton, se teint les cheveux. Tu laisses à une autre le fruit de ton labeur ! disent les amies bien intentionnées de Ramatoulaye, en lui conseillant de voir le marabout.

Comme aurait dit sa grand-mère, Ramatoulaye est une feuille qui voltige mais qu’aucune main n’ose ramasser. Elle est abandonnée.

Modou vient de mourir, sans un sou d’économie, ruiné par sa famille.

L’auteur n’a jamais cessé de l’aimer, a refusé de divorcer et subit son sort de délaissée.

Modou en terre, l’auteur sollicité pour se remarier refuse toutes les propositions.

Mawdo Bâ, lui, a épousé Aïssatou la meilleure amie de Ramatoulaye. La mère de Mawdo, tante Nabou n’a jamais supporté que son fils épouse une fille de bijoutier, elle prépare sa vengeance : rendant visite à son jeune frère Farba Diouf, elle récupère une enfant, la petite Nabou pour la formater à son image. Nabou devient sage-femme. Puis elle épouse Mawdo sur ordre de la mégère. Autrement dit, Mawdo épouse sa nièce.

Aïssatou refuse la polygamie, demande le divorce et poursuit sa carrière de femme libre et indépendante.

Mariama Bâ née à Dakar en 1929 est décédée en 1981. D’après ce que je connais du Sénégal, cette Si Longue Lettre qui a obtenu le prix Noma n’est pas démodé. Comme dit l’auteur, on ne vient pas facilement à bout des pesanteurs millénaires.