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Nan Aurousseau, Bleu de chauffe

28 Mai 2013 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Nan Aurousseau, Bleu de chauffe

Nan Aurousseau, Bleu de chauffe

Si vous craigniez les gros mots et le vocabulaire cru, alors abstenez vous.

Dan est plombier OHQ, comprenez Ouvrier Hautement Qualifié, et nous présente son patron Dolto, un pourri :

— Tu seras mes yeux et mes oreilles sur les chantiers, dit-il à Touré, et si tu me répètes fidèlement tout ce qui se dit dans mon dos, je te donnerai une prime à chaque fin de mois.

Dolto est aussi un sacré putain de menteur, dit l’auteur. L’action se passe dans les quartiers sensibles que le narrateur appelle quartiers à vif. On y apprend qu’au cours du chantier de la grande bibliothèque, un mec, un black, avait été coulé vivant dans des piliers en béton. Un accident…

Dans cette boite de pourris, avec des peintres pakistanais, des maçons turcs, des plaquistes roumains, et bien sûr ces fameux plombiers polonais dont les médias se sont subitement emparés. Pas un clan qui parle la même langue que l’autre, du communautarisme à la louche, aucun syndicalisme possible, un sacré putain de bordel spécialement aménagé pour l’ultralibéralisme triomphant comme disent les journaux.

Dan le plombier surprend son patron Dolto, à Montreuil, entrain de charger le coffre fort de l’entreprise et le file jusqu’en Normandie.

L’auteur est hanté par son passé de délinquant. Autrefois il cambriolait les fleuristes. Tous ses camarades étaient soit morts, soit emprisonnés à vie. Il en restait quelques uns errant tels des hommes abrutis par l’alcool frelaté qu’on offre au bétail quand il gèle à mort. La tête en haillons, ils s’accrochaient les uns les autres à des souvenirs engloutis et cela les tirait lentement vers le fond.

La santé mentale, à quoi ça tient ? se demande l’auteur. Quand le système est déréglé, ce n’est pas comme une montre, on ne peut pas ouvrir le boîtier et changer un ressort. On sait qu’on ne va pas trop mal tant qu’on arrive à fréquenter les autres et à survivre sans tomber dans la violence. Parce que c’est là qu’elle est la barrière, dans la violence.

Quant il était à Fleury c’était tout neuf. Il n’avait pas de télé donc il ne risquait pas la mauvaise influence du ministère de la Propagande. Maintenant, il est en semi-liberté.

Il y a quand même des moments de tendresse dans ce bouquin. J’aime bien son copain Makalou, un africain qui a perdu son médicament, entendez son grigri. Dès qu’il le retrouve il retrouve aussi son calme, sa bonne humeur, sa protection.

Les relations avec sa compagne m’ont bien fait rire. Quand elle sort l’aspirateur, elle est comme possédée, elle traverse le cosmos à cheval sur son balai électrique. C’est une sorte de sabbat sauvage complètement inconscient, comme une crise d’épilepsie moins la bave. C’est une fana de la propreté, elle se récure la chatte avec de la courge séchée, utilise des savons de toilette intime achetés en pharmacie comme pour une opération chirurgicale, au final ça n’a plus aucun goût. Elle dit « Tu veux que je te stimule » quand elle veut le branler !

Il y a aussi Loize surnommé coton tige, un chef d’équipe habitué à des rapports de domination sur ses subalternes craignant de perdre leur emploi, un pauvre mec qui ne connaît pas le rapport direct d’homme à homme, un petit truc pourtant classique en milieu carcéral.

Enfin, quelques conseils si vous voulez écrire un roman : Pensez d’abord à toute votre histoire, jusqu’à la fin, méditez-la bien. Il faut prendre exemple sur les vaches, vous savez, il faut beaucoup mâcher pour donner du bon lait !

Sur fond de traque à son patron, ses prémonitions finissent par s’avérer exacte.

Nan Aurousseau n’œuvre pas dans la dentelle. Normal me direz-vous : il est plombier. Son livre décrit un monde bien éloigné de nos existences campagnardes. Son livre se laisse lire.

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