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Blandine Le Callet, Dix Rêves de Pierre

1 Juin 2013 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Blandine Le Callet, Dix Rêves de Pierre

Une écriture comme une dentelle : fine, descriptive, ciselée, travaillée.

Ceci malgré le sujet surprenant. En effet, l’auteur s’est laissé charmer par des épitaphes qui ont guidé son imagination pour l’écriture de ces dix nouvelles.

L’esclave Hermès vit à Nicomédie (actuelle Izmit en Turquie) et ne verra pas son affranchissement puisque la ville est entièrement détruite par un tremblement de terre. Sous son épitaphe, une stèle représente deux enfants allongés de chaque côté de son corps : les petits de son maître dont il était le précepteur.

Amandes Amères met en scène « le clerc gratteur de parchemin » Guillaume qui revient de sa contrée d’Apulie en Italie méridionale pour visiter Sibylle, la mal mariée à Robert de Normandie, un rapace, un teigneux, un jaloux, ripailleur, inconstant, colérique et prodigue toujours à court d’argent. Agnès de Ribemont a offert des biscuits à Sibylle. Celle-ci les dévore lorsque le chien endormi à ses pieds, lève le museau, bondit sur ses pattes, pousse des jappements et se lance dans une cavalcade désordonnée. C’est la fin.

Dans la demeure cossue de son vieillard d’époux, Madeleine essaie vainement d’oublier Julien. L’époux vieillard gifle, crache, viole, enferme sa toute jeune femme dans un réduit crasseux. Les amants se retrouvent mais sont surpris par un valet. Le récit commence dans la charrette qui emmène sur l’échafaud nos jeunes tourtereaux qui sont frère et sœur. Ils seront décapités Place de Grève, pour adultère et inceste en 1603, tandis qu’un chien jaune, museau levé, immobile comme un sphinx regarde la scène.

Les hortensias, ou comment Madame accouche toujours au septième mois d’enfants morts. Grâce à une « seringue à baptiser » ce septième enfant à naître est ondoyé même s’il est hors d’atteinte… Lorsqu’un chien jaune vient piétiner le massif d’hortensia, Madame ressent ses premières contractions pour son septième accouchement.

Dans Printemps, alors qu’il creuse sa propre tombe, un sentiment de bonheur l’inonde à l’odeur de la terre : argile, humus, sable et poussière. Il creuse la terre, la retourne, un rapport intime qui dure depuis la nuit des temps. Puis les soldats, pour rire, tirent sur un chien errant qui détale en hurlant. Il se déshabille, se met à genoux dans la fosse et sourit encore au soleil de mars lorsque la balle lui traverse la nuque.

Mon Bébé, c’est Hector au cimetière des chiens à Asnières-sur-Seine.

À Quistinic, elle cherche la tombe de ses ancêtres dans le dédale des allées, jusqu’au moment ou un vieux chien la regarde, un clébard jaunâtre à l’air fatigué, sec et pelé comme un vieux paillasson. Elle reproche à son père de ne pas lui avoir raconté son passé et parlé de cette grand-mère qui croyait en Dieu, mais aussi aux génies, elfes et korrigans qui habitaient la lande. Alors le père explique que son arrière grand-mère et lui ne parlaient pas la même langue. Elle ne parlait que Breton, il ne parlait que Français ! Elle réalise alors l’ampleur du fossé qui s’est creusé au sein de sa propre famille, en trois générations. Le chien revient, pose la tête contre sa cuisse, elle le caresse retrouvant le réconfort intense que cela peut procurer de caresser une bête.

Ma nouvelle préférée c’est les Petits Carnets. Entourée de ses six enfants, elle s’apprête à mourir. Elle a réglé les moindres détails de son héritage. Elle se remémore sa vie, ses souffrances, ses amours. Il ne lui reste plus qu’à passer un coup de téléphone… Vient un hurlement, un chien sans doute, une longue plainte, lugubre et modulée.

— Va-t’en salle bête !

La grande faucheuse l’empêchera de passer son coup de fil ; malgré son désir de bien faire, la famille explose.

« Maman, tu as semé la zizanie entre tes enfants. Repose » dira son épitaphe.

D’inscriptions funéraires en inscriptions funéraires, l’auteur nous promène à travers les siècles. En toile de fond, toujours, un chien synonyme de mort. Original.

il est défendu de parler Breton et de cracher à terre...

il est défendu de parler Breton et de cracher à terre...

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