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La chasse aux loups de Yves Viollier

3 Avril 2014 , Rédigé par Nicole Faucon-Pellet Publié dans #j'ai lu

Yves Viollier : la chasse aux loups

10 mars 1793 à Château-Fromage, en Vendée, Angeline et Guillaume veillent sur leur grande famille : Guillaume, Victor, François, Pierre, Léon, Jean et la septième : Sétima. Les six fils, dits les moutons blancs, parce qu’ils portent des peaux de mouton, disparaissent au détour de la grange, rejoignent la route de Cholet : vent de côté, le soleil, luisant comme un cuivre frotté à la cendre par les coups de rein de la tempête, les frappe de plein fouet.

Rauturier armé de sa fourche, Sounette avec sa veuze, une cornemuse de l'ouest de la France, ayant gardé des caractéristiques très proches de celles qui étaient employées depuis le Moyen Âge, Michel et sa hache : tous ont leur bâton riboule, leur faux, leur fourche, leur hache, leur dail, ils battent les bois et huchent à la poursuite de leurs ennemis : les républicains.

Le chien, Rabertao, suit fidèlement.

L’avocat Mandin ne s’étant pas sauvé, se voit volé ses cochons tandis que les aubépines viennent faire éclater la campagne avec d’énormes bouquets blancs. Michel hérisse le poil du petit jour quand il ouvre le cou des deux gorets de la soue, ficelés sur leur planche.

Les républicains à l’uniforme bleu châtrent le pépé découvert inanimé dans la cour par sa petite fille Sétima. Le tocsin sonne. Son appel est comme une violente montée d’orage à travers le pays.

Badaria, le sacristain-chantre-fossoyeur-maître d’école, sonne la cloche de l’église ; il appelle à l’ensépulture du pépé.

Ils passent à table. Il était temps parce qu’ils avaient la langue enflée comme une betterave. Au menu : du vrai pain blanc, pas de ce pain de misère qu’on mange tous les jours, le pain méteil moitié seigle, moitié baillarge ; du pain de froment dont on avait trouvé deux sacs dans la maie de Tireau.

Ils se chapeautent du raballet aux bords si larges qu’il leur est un toit pour les épaules. Beaucoup ont copié les moutons blancs : ils se sont couverts d’une peau de bique ou d’ouaille.

La Sounette sort sa pibole de châtaigner et danse dans les flaques en prenant le chemin de la Ferrière.

Huit louveteaux de quelques jours mignons comme des chiots, pleurent comme des chats. L’œil déjà triangulaire, le museau pointu, le poil d’un jaune parfait, veiné de noir sur la colonne : ils les empoignent et systématiquement les font éclater sur le murs de la grotte.

Angéline est toute chose en se réveillant. Ça lui fait comme si elle avait mis le nez dans une potée de vin. La tête à l’envers, des sauts de grenouille dans son jabot qui l’étranglent, et une sorte de coulée de feu dans ses bras et ses jambes.

Une assemblée de souffreteux, mal charpentés, catarrheux, pulmonaires et purulents se presse à la Saint-Eutrope, le patron protecteur de la paroisse, alors que le printemps caresse la terre dans le sens du poil et jour après jour, elle devient plus chaude. La nuit respire paisiblement, tous ses poissons d’étoiles en train de nager là-haut.

Le soleil est vissé au milieu du ciel, il tombe de toute sa masse sur le monde, y versant des tomberées de jaune.

Le bonhomme Aristide, meunier de son état, au corps aussi blanc que sa farine, pétrit en compagnie de sa femme Noémie et de la mémé. Il approche une plume de poule ficelée au bout d’un bois. Si elle brûle, le pain brûlera aussi. Soudain, l’après midi est rayé par un long cri aigu comme une porte qui pleure. Noémie est violée par les républicains qui lui roustissent le tendre des cuisses avec des tisons ; impuissant, le meunier assiste au spectacle.

Beaucoup plus tard, l’eau se met à pisser à tomberées, il n’y a plus de bleus à courir à travers la plaine. Pourtant, dès le lendemain, ils continuent à attaquer, étripant tout sur leur passage. On entend les pauvres vaches bromer dans leur écurie où ils mettent le feu.

Guillaume suivi par ses moutons se sauve avec La Mouche, la bourgeoise de la Roche-sur-Yon, l’épouse de l’avocat Mandin, au milieu des bleus prisonniers dont on rase le crâne pour les marquer avant de les libérer. Le couple traverse la Loire. Ce qui les attend là-bas, de l’autre bord, ils ne le savent pas. De toute façon, il n’y a pas à faire autrement.

Yves Viollier nous raconte une partie de l’histoire de l’insurrection vendéenne, l’affrontement entre les bleus républicains et les blancs royalistes, à travers le personnage de Guillaume, le mouton blanc, l’infatigable héros de ce roman dont le style riche, unique, imagé, nous propulse dans un univers digne d’un grand écrivain. Pas étonnant : il est membre de l’école de Brive, une référence.

Ce livre parle aux gens de la terre dont je fais partie.

Ce livre parle aux gens de la terre dont je fais partie.

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